JMR 16, 2023 1-24 Mosaïque de Dionysos découverte à Hiérapolis (Manbij) en Syrie du Nord Kuzey Suriye’deki Hierapolis’te (Münbiç) Keşfedilen Dionysos Mozaiği Komait ABDALLAH - Mouhamad al-KAIED* (Received 1 September 2022, accepted after revision 28 July 2023) Abstract Mosaic of Dionysus Discovered at Hierapolis (Manbij) in Northern Syria In 2017, the remains of the two mosaics were accidentally found in the city of Manbij, 60 km northeast of Aleppo in northern Syria. These mosaics seem to be part of the same architectural context that has completely disappeared. The best preserved mosaic has a very interesting theme. It is the Dionysus scene with his thiasos including Satyr and Bacchant and leopard. There is also an other scene of landscape with river god and animals. The last one, so damaged, conserve just a mask and the rest of two personages and an amphora, beside it, there is an inscription mentioning Eros. The scene of Dionysus evokes the well-known figures in Zeugma and Antioch, Turkey, dated to the end of the 2nd century AD and the beginning of 3nd centuries. Perhaps, it represents the epiphany of the god. The others scenes are probably linked with Dionysus iconography. The mosaic could be dated, according to the stylistic criteria, to the end of 2nd century AD and the beginning of 3nd century AD. It attests the diffusion of the Dionysus cult in the city of Manbij (Hierapolis) in the roman period. Keywords: Syria, Manbij, Mosaic, Dionysos, Roman. Öz 2017 yılında, iki mozaiğin kalıntıları Suriye’nin kuzeyinde, Halep’in 60 km kuzeydoğusundaki Münbiç kentinde tesadüfen bulundu. Bu mozaikler, tamamen ortadan kalkmış olan aynı mimari bağlamın bir parçası gibi görünmektedir. En iyi korunmuş mozaik çok ilginç bir temaya sahiptir. Satyr, Bacchant ve leoparı da içeren thiasoslu Dionysos sahnesidir. Ayrıca nehir tanrısı ve hayvanların yer aldığı başka bir manzara sahnesi de vardır. Sonuncusu, çok tahrip olmuş, sadece bir maske ve geri kalan iki kişi ve bir amphora korunmuştur, yanında Eros’tan bahseden bir yazıt vardır. Dionysos sahnesi, Türkiye’de Zeugma ve Antakya’da bulunan ve İS 2. yüzyılın sonu ile 3. yüzyılın başına tarihlenen tanınmış figürleri çağrıştırmaktadır. Belki de tanrının tecellisini temsil etmektedir. Diğer sahneler muhtemelen Dionysos ikonografisi ile bağlantılıdır. Mozaik, stilistik kriterlere göre İS 2. yüzyılın sonu ve İS 3. yüzyılın başına tarihlendirilebilir. Dionysos kültünün Roma döneminde Münbiç (Hierapolis) kentinde yaygınlaştığını kanıtlamaktadır. Anahtar Kelimeler: Suriye, Münbiç, Mozaik, Dionysos, Roma. DOI: 10.26658/jmr.1376681 (Research Article / Araştırma Makalesi) * Komait Abdallah, Chercheur au laboratoire AOROC-Ecole normale supérieure-Paris, France. https://orcid.org/0000-0002-9523-9991. E-mail: komabd7@gmail.com Mouhamad al-Kaied, Restaurateur à la direction des Antiquités et des Musées en Syrie Damas, Syria. https://orcid.org/0000-0003-1572-0388. E-mail: m-kaied@hotmail.com https://orcid.org/0000-0002-9523-9991 https://orcid.org/0000-0003-1572-0388 2 Komait Abdallah - Mouhamad al-Kaied Au mois de décembre 2017, la société locale dans la ville de Manbij, située à 60 km au nord-est d‘Alep1, a découvert les restes d‘un pavement de mosaïque. Ce pavement qui constituait le sol d‘un édifice non identifié, a été documenté en urgence avant d’être enfoui à nouveau pour le protéger. Au moment de la découverte, son état de conservation était médiocre, la surface ayant subi des dommages. Toutefois, malgré plusieurs lacunes, le décor est resté bien lisible. Le pavement est divisé en deux grands panneaux, séparés par une zone détruite qui faisait partie probablement d’une bordure (Fig.1). Les tesselles sont de tailles différentes, mesurant entre 80 mm et 100 mm de côté, et de couleurs variées : blanc, crème, noir, gris, bleu-clair, jaune, jaune moutarde, brun, rouge, orange, rose et vert. Panneau 1 Ce panneau partiellement conservé est très lacunaire. Son décor se compose de trois bordures et d’un tableau figuré. La première bordure, la moins large (Figs. 2-4), est ornée d’une ligne de rectangles couchés et de carrés adjacents, au trait (Décor I : pl. 18e.) ; ces motifs sont constitués par une ligne noire sur fond blanc. Les rectangles et les carrés sont animés par des éléments géométriques variés. Dans les rectangles, on trouve des losanges couchés, inscrits, dessinés en noir, excepté un losange couché et un cercle de quatre quadrants. Certains losanges comprennent un losange couché plus petit, coloré en rose ou jaune, marqué parfois au centre par un carré sur la pointe2. Deux losanges comportent 1 Manbij est une ville bien connue avant l’arrivée des Macédoniens en 333 avant J. - C. Elle était appelée Manbug ou Mabbog dans les langues sémitiques. Dès l’époque hellénistique, on l’a appelée Hiérapolis. Elle est bien mentionnée par les historiens et les géographes romains. Elle était située sur la route qui relie Antioche à l’Euphrate et à Edesse. Dans l’Antiquité, elle était surtout reconnue comme sacrée, étant le centre du pèlerinage de la déesse Atargatis ou Hiéra pour toute la Syrie. Le temple de cette divinité est bien décrit par Lucien de Samosate. Il y avait aussi un théâtre et un stade. La cité a été détruite plusieurs fois à cause de multiples tremblements de terre. Les fouilles qui ont été effectuées en 1925 par P. Perdrizet et H. Seyrig n’ont pas montré grand-chose, à part quelques inscriptions, monnaies et un bas-relief. (Goossens 1943 : 2-27). En 2010, une mission syro-française a effectué plusieurs sondages notamment dans le stade au centre de la ville. Les travaux n’ont pas pu se poursuivre à cause du déclenchement de la guerre en 2011. 2 Ce motif est attesté à Zeugma comme montre un tapis de la maison de Dionysos (Önal et al. 2007 : 54). Figure 1 La mosaïque conservée in situ (M. al-Kaied). Mosaïque de Dionysos découverte à Hiérapolis (Manbij) en Syrie du Nord / Kuzey Suriye‘deki Hierapolis‘te (Münbiç) Keşfedilen Dionysos Mozaiği 3 deux cercles ornés d’un nœud de Salomon3. Plusieurs d’entre eux possèdent des triangles dans les écoinçons. Les carrés contiennent des motifs variés : un losange couché, un nœud de Salomon inscrit dans un cercle4, un damier5, une fleur noire à six feuilles6, un carré composé de quatre carrés (orné d’un carré sur la pointe)7, un carré de quatre triangles, un carré inscrit dans un cercle (orné d’une croix de quatre triangles polychromes). Ce motif de bordure est assez rare, il se rencontre sur deux tapis dans la maison du Bateau des Psychés, datés du premier tiers du IIIe siècle (Levi 1947 : pl. CIII, f, d). La différence réside dans le fait que les motifs de remplissage sont géométriques et variés sur notre mosaïque, alors que sur celle d’Antioche, il y a des masques ou un décor géométrique. Un exemple très proche à Antioche, notamment par certains éléments de remplissage identiques (losange couché, nœud de Salomon, décor floral), s’observe sur un tapis de la maison de la Table Servie (Cimok 2000 : 119). La deuxième bordure, la plus large (Figs. 5-10), est une ligne de cercles tangents, en lacis, faits en câble (rouge/blanc/ rouge ou jaune/blanc/jaune) et en onde (alterné rouge et jaune moutarde). Chaque cercle comporte un petit cercle figuré, encadré par une ligne de dents de scie (alterné noir et rouge). Les espaces 3 Cela est aussi visible sur la bordure de la mosaïque de la villa Kointos à Zeugma (Önal et al. 2007 : 212). 4 Ce détail se rencontre sur une bordure géométrique à Antioche (IIe siècle) (Cimok 2000 : 42). 5 Sur la bordure de la mosaïque de la villa Ménade à Zeugma, il y a aussi des carrés remplis de damiers (Önal et al. 2007 : 75). 6 On en observe un exemple proche sur la mosaïque du pêcheur dans la maison de Ménandre à Antioche (Levi 1947 : pl. VII,a). La fleur composée de six feuilles se rencontre aussi sur une mosaïque d’une chambre funéraire à Apamée (Abdallah 2015 : 3 fig.3). 7 Un exemple identique est visible sur la mosaïque du pêcheur de la maison de Ménandre à Antioche (Cimok 2000 : 44). Figures 2-4 Bordure du panneau 1. Motif géométrique (M. al-Kaied). 4 Komait Abdallah - Mouhamad al-Kaied laissés entre les cercles et les côtés sont colorés en jaune moutarde et animés par trois feuilles noires. Les cercles comprennent alternativement sur fond blanc un oiseau se penchant vers un rameau et un masque. On distingue un paon et peut- être un héron. Les masques sont variés : un masque de jeune homme, quatre masques de femmes et un masque de vieillard. Ce décor de bordure possède un proche parallèle sur la mosaïque de Persée et d’Andromède et celle du Satyre, d’Antiope et de Galate dans la villa de Poséidon Figures 5-10 Bordure du panneau 1. Masques et oiseaux (M. al-Kaied). Mosaïque de Dionysos découverte à Hiérapolis (Manbij) en Syrie du Nord / Kuzey Suriye‘deki Hierapolis‘te (Münbiç) Keşfedilen Dionysos Mozaiği 5 à Zeugma (fin du IIe, début IIIe siècle) (Önal et al. 2007 : 127-143). Ici, les cercles ne sont pas remplis de figures, mais d’éléments géométriques. L’alternance de motifs de masques et d’oiseaux dans le décor de la bordure est assez courante sur les mosaïques du Proche-Orient. Cela est attesté sur deux mosaïques de la maison des Bateaux des Psychés à Antioche représentant des figures dionysiaques (Cimok 2000 : 157, 171). À Shahba, la bordure d’une mosaïque partiellement détruite, mise au jour dans l’une des maisons de la vieille ville, constitue un exemple proche8. Sur la bordure de la mosaïque de la maison de Dionysos à Sepphoris (Talgam - Weiss 2004 : pl. C, VIII, a.) figurant des scènes dionysiaques, il y a aussi des masques alternés avec des oiseaux, mais aussi des poissons. La représentation d’oiseaux avec des rameaux est attestée sur les mosaïques d’Antioche et de Shahba. Dans cette dernière, les rameaux portent des fruits. Elle est aussi visible en décor de bordures sur quelques mosaïques d’Antioche9 et de Zeugma10 remontant à la période romaine. L’usage de masques comme motifs de remplissage dans le décor des bordures est diffusé sur les mosaïques d’Antioche à l’époque romaine11. Dans la plupart des exemples, les bordures encadrent des images empruntées aux thèmes dionysiaques comme en témoignent les mosaïques à scène dionysiaque de la maison du Triomphe de Dionysos (Cimok 2000 : 91) et du triclinium d’Agros et Opora de la maison des Bateaux des Psychés (déjà citées). On peut citer aussi la mosaïque à côté de la maison de Phénix à Antioche (Levi 1947 : pl. LXX, a), celles de Shahba et de Sepphoris mentionnées ci-dessus, ainsi que la mosaïque de l’Iwan découverte à Bishapur datée du IIIe siècle (Ghirshman 1956 : pl. IX- XIV). Les masques sur notre mosaïque présentée de trois-quarts (un schéma hellénistique) (Balty 2006 : 35) sont bien caractérisés ; on repère deux femmes (Figs. 5-6) presque identiques avec les cheveux (rendus en rouge et en brun) surmontés d’un sort de turban composé de plusieurs étouffes entortillées avec un pan visible derrière la tête. Deux mêches de cheveux retombent derrière les oreilles. Il y a aussi une jeune fille (Fig. 7) avec le regard oblique et une chevelure (rendue en rouge et noir) bien caractérisée avec deux mêches visibles derrière les oreilles. On observe également un masque de femme (Fig. 8) dont le visage est très endommagé ; on peut en distinguer la bouche ouverte. La chevelure assez longue (rendue en rouge et en noir) est bien représentée avec des étouffes retombant derrière les oreilles. Ce masque est précédé par un motif en noir ressemblant à un podium. On trouve un vieillard barbu (Fig. 9) avec un regard oblique et une longue chevelure semblable à un voile, mêlée de feuilles de lierre. Enfin, on voit un masque de jeune homme (Fig. 10) aux cheveux assez longs et aux oreilles pointues. Derrière celui-ci est posée une flûte. Certes, les figures féminines évoquent les ménades souvent représentées sur d’autres mosaïques dans la région (Balty 2006 : 31). Ce qui est différent c’est le rendu de la chevelure mêlée parfois à des feuilles, à Antioche, et à des couronnes ou à 8 Il y un fragment au musée de Shahba et un autre découvert récemment en 2014 dans la maison d’al Qabani dans la vieille ville. 9 Comme les mosaïques de la maison de la Table Servie, de putti chasseurs, de la maison du Bateau de Psychés (Cimok 2000 :119, 150, 151). 10 Comme les mosaïques de Pasiphaé et Daidalos, de Satyre et Antiopée (Önal et al. 2007 :101, 130). 11 Nous avons aussi des masques utilisés comme éléments décoratifs, avec parfois des oiseaux, dans les bordures ornées de rinceaux d’acanthe comme par exemple le panneau du jugement du Pâris de la maison de l’Atrium à Antioche (Cimok 2000 : 29). 6 Komait Abdallah - Mouhamad al-Kaied des grappes de raisins à Bishapur. La manière dont la chevelure est représentée, deux mêches descendant derrière les oreilles est attestée sur la mosaïque située à côté de la maison du Phénix et sur celle de la maison du Triomphe de Dionysos, à Antioche. L’association du podium au masque nous est déjà connue car elle figure sur la mosaïque de Bishapur (Ghirshman 1956 : IX, 1)12. Par contre, la représentation des cheveux couverts partiellement par des turbans n’est attestée sur aucune de ces mosaïques. Pour le masque aux oreilles pointues, il s’agit de l’évocation probable d’un satyre (Balty 2006 : 35). La représentation d’une flûte en arrière-plan est très rare. Nous en connaissons un seul exemple sur une mosaïque trouvée à la villa d’Hadrien à Tivoli, où deux flûtes sont posées derrière un masque de tragédie (Sinclair 2013 :14)13. Quant au vieillard, le type illustré le plus souvent est semblable à Silène (barbe drue et cheveu rare), comme c’est le cas sur les mosaïques du Triomphe de Dionysos à Antioche, la mosaïque de la maison al Qabani, à Shahba, et celle de l’Iwan à Bishapur (Balty 2006 : 35). Or, celui de notre mosaïque ressemble plutôt à ceux figurés dans certaines bordures à rinceaux d’acanthe14. Normalement, tous ces masques sont dionysiaques et représentent certains membres du thiase. Le vieillard pourrait évoquer l’un des personnages âgés mentionnés dans les Bacchantes15. Si les masques sont explicitement liés à l’iconographie dionysiaque et ornent, dans la majorité des cas, les bordures de scènes dionysiaques, les oiseaux avec les branchettes ne sont pas seulement attestés avec celles-ci. Donc il s’agit peut- être d’éléments décoratifs sans aucune signification liée au dieu. Toutefois, leur présence à maintes reprises avec les masques dans un contexte iconographique dionysiaque pose la question de l’existence d’un rapport probable. Sur notre mosaïque comme sur d’autres, parmi les oiseaux figurés, on rencontre le paon. Ce dernier était considéré comme l’oiseau sacré de Dionysos à l’époque hellénistique et souvent associé au culte du dieu notamment sur les mosaïques d’Afrique du Nord à l’époque romaine (Foucher 1963 :125-126). Le lien entre les oiseaux et le culte dionysiaque est déjà mentionné par Philostrate dans son ouvrage « la galerie de tableaux » (Daude 1995 : 52-53). Vu la représentation du paon et l’association des oiseaux aux branches de lierre sur notre mosaïque, il n’est pas exclu que ces motifs soient attribués à l’iconographie dionysiaque. La troisième bordure, large, est ornée d’un rinceau d’acanthe sur un fond noir. Les feuilles sont colorées alternativement de rose/brun/jaune et de vert/gris clair/gris foncé. Il y a dans l’espace laissé entre les feuilles une oie en train de courir, des fleurs, des tiges et des feuilles (Fig. 11). Les cercles contiennent principalement des scènes de chasse : on y voit un enfant assis au-dessus d’une feuille, partiellement vêtu, regardant vers un chien à sa gauche et tenant de sa main droite un objet inidentifiable, dessiné en rouge et coloré en blanc. À gauche, on trouve une chèvre ou un cerf dont l’arrière du corps a disparu. Au-dessous de ce dernier, un autre animal (chèvre ou cerf) penche la tête vers une feuille. À 12 Sur la mosaïque à côté de la maison du Phénix à Antioche, il y a un objet en noir ressemblant à un podium derrière un masque masculin (Levi 1947 : pl. LXX,a). 13 Même si rare, la représentation de la flûte avec le masque n’a rien de surprenant car la flûte est or- dinairement associée aux chœurs dans les Bacchantes : « …maître des gains banquet tout fleuris de couronnes, dont l’apanage est de conduire des chœurs au son des flûtes, de rire, et d’endormir nos soucis. » (Bacchante, 375-380, p. 275). 14 Comme par exemple les mosaïques d’al Rastan (photo inédite) et de la maison privée à Cyrus (Abdul Massih 2012 : 320 fig. 10). 15 Dans cette tragédie, nous avons deux personnages âgés, ce sont Tirésias et Kadmos. C’est vrai que l’on ne donne pas la description du personnage dans le texte, mais on peut citer ici une phrase de Tirésias mentionnant qu’il utilise le lierre pour couronner les fronts (Bacchantes, 170, p.249). Cela évoque la tête du vieillard orné de lierre de notre mosaïque. Mosaïque de Dionysos découverte à Hiérapolis (Manbij) en Syrie du Nord / Kuzey Suriye‘deki Hierapolis‘te (Münbiç) Keşfedilen Dionysos Mozaiği 7 droite, un animal dont la tête a disparu, est en train de courir. Il s’agit peut-être d’un cerf poursuivi par un léopard et un tigre. Ailleurs, un léopard est représenté en train de courir vers la gauche en tournant la tête en arrière (Fig. 12). Au- dessus est figuré un lion sautant vers la droite, où se trouve un enfant chasseur nu (un putto) qui attaque le lion, avec une lance qu’il tient à deux mains (Fig. 13). Les deux animaux sont représentés de manière assez schématique. Dans un autre cercle, on trouve deux enfants nus (Fig. 14). Le premier tient de sa main gauche un bouclier et de l’autre main levée vers le haut, un objet détruit. Il regarde un autre enfant armé d’une lance, s’apprêtant à attaquer un animal vers la droite. La bordure ornée de feuilles d’acanthe sur fond noir, peuplées par des putti chasseurs et des animaux sauvages bondissant, est héritée du répertoire hellénistique ; elle est bien attestée sur les mosaïques de la région qui remontent à la période romaine (Balty 1995 :164-165). Nous pouvons citer celles d’Héraclès à Homs (Abdallah 2011 : 2 fig.2), de Cyrrhus (Abdul-Massih 2012 : 320 fig.10), de la villa Zisamos à Zeugma (Önal et al. 2007 : 189), de Plutous à Shahba (Balty 1977 : 24-25), et de la maison de Dionysos à Sepphoris (Talgam - Weiss 2004 : pl. C, XII-XIV). Dans tous ces exemples, la bordure est rythmée par des masques feuillus à visages humains (femmes, vieillard). Dans ceux de Homs, de Cyrrhus et de Shahba, les angles sont occupés par un putto émergeant du feuillage. Si les masques et le putto ne sont pas visibles sur les restes de la bordure de notre mosaïque, l’état de conservation de cette dernière ne permet pas de savoir s’il y en avait ou non. Le rendu du rinceau en une feuille large émergeant d’une autre qui s’enroule, mélangée aux rinceaux de lierre, évoque Figures 11-14 Bordure du panneau 1. Rinceau d’acanthe (M. al-Kaied). 8 Komait Abdallah - Mouhamad al-Kaied celui de Sepphoris. Le fond semé d’un bouton de fleur entre les feuilles n’est pas attesté ailleurs. Les putti qui ne sont pas ailés se rencontrent également à Homs et à Sepphoris. Par contre, le putto assis sur la feuille, partiellement habillé et accompagné par un chien et deux chèvres, personnage qui évoque un berger, n’est pas connu ailleurs. Le putto tenant une lance dans son attaque contre les animaux est une figure commune dans toutes les mosaïques. La représentation d’un couple de putti dont l’un tient un bouclier n’est vue qu’à Sepphoris. Le corps des animaux est illustré entièrement, comme c’est le cas sur d’autres mosaïques, à l’exception de celle de Homs, où certaines bêtes bondissantes ne sont représentées qu’à demi. Bien que le champ soit très endommagé, les parties conservées comportent le reste d’un paysage animé (Fig. 15). On y voit un dieu fleuve assis, reconnaissable à la corne d’abondance de laquelle s’écoule de l’eau, retenue par son coude gauche. La main droite tient un roseau. Il est personnifié sous les traits d’un jeune homme, imberbe, le torse nu ; le regard oblique du dieu fleuve fixe un lion dont il ne reste que la tête. À droite, on aperçoit un serpent s’enroulant autour d’un arbre. Au-dessus, on distingue les restes de deux bêtes. Un est difficile à identifier avec la tête détruite (le reste du corps est similaire à celui de lion). Il est verticalement illustré en marchant vers le haut. D l’autre ne reste que la tête et la partie antérieure du corps, il se dirige vers le sens opposé ; la bouche, qui ressemble plutôt à un bec, suggère qu’il s’agirait d’un griffon. A gauche de ces bêtes, un animal est assis avec la patte droite étendue qui semble tenir un objet inidentifiable, alors que l’autre est pliée en se dirigeant vers la tête complétement disparue. Il est très difficile, voire impossible d’identifier cette bête avec certitude, néanmoins, la manière dont il est traité (assis avec les deux pattes avant en action) font penser à un singe. Panneau 2 Il s’agit d’un panneau rectangulaire allongé dont une partie est détruite (Fig. 16). Il est composé d’une large bordure et de trois tableaux figurés dont l’un est complètement mutilé, un autre très endommagé et un dernier bien conservé. Ces tableaux sont encadrés par une bande ornée d’une tresse à deux brins (polychrome sur fond sombre) (Décor I : pl.73e). La bordure partiellement conservée, est constitué d’une chaînette de carrés et rectangles non contigus, ornés d’éléments géométriques divers : Figure 15 Panneau 1. Paysage peuplé d’animaux et d’un dieu-fleuve (M. al-Kaied). Figure 16 Panneau 1. Paysage peuplé d’animaux et d’un dieu-fleuve (M. al-Kaied). Mosaïque de Dionysos découverte à Hiérapolis (Manbij) en Syrie du Nord / Kuzey Suriye‘deki Hierapolis‘te (Münbiç) Keşfedilen Dionysos Mozaiği 9 - Une composition orthogonale de paires tangentes de peltes adossées (Fig. 17), alternativement couchées et adressées (déterminant des intervalles cordiformes en noir), en opposition de trois couleurs (blanc, jaune et rouge), les paires de peltes de couleurs alternées (Décor I : pl. 222e ). Le fond est décoré d’un triangle composé de trois tesselles blanches et d’une noire. Ce motif se trouve sur la bordure de la mosaïque d’Agros et Opora de la maison du Bateau des Psychés à Antioche (Cimok 2000 : 171). Dans celle-ci, on utilise une polychromie identique, mais le fond est abstrait. - Deux compositions orthogonales de cercles sécants (Fig. 18), faisant apparaître des quatre-feuilles (colorées alternativement de blanc et de jaune) et déterminant des carrées concaves (colorés alternativement en rouge et en noir), en opposition de couleur, les carrés concaves chargé d’une croisette incluse (en blanc) (Décor I : pl.238e ). On a plusieurs exemples de ce motif avec la même polychromie, comme c’est le cas de la mosaïque géométrique de la maison du Mauvais Œil à Antioche (IIe siècle) (Cimok 2000 : 39) et sur les pavements de Zeugma (fin IIe, Figure 17 Panneau 2 (M. al-Kaied). Figure 18 Bordure du panneau 2. Motif géométrique (M. al-Kaied). 10 Komait Abdallah - Mouhamad al-Kaied début IIIe siècle), en l’occurrence dans le gymnase, sur la mosaïque de Persée et d’Andromède dans la villa de Poséidon et sur le pavement d’Areté , Paideia et Sofia dans la villa d’Euphrate (Önal et al. 2007 : 63, 127, 150). Dans ces deux dernières, le fond est aussi chargé d’une croisette (blanche sur le fond rouge ou jaune sur le fond noir). - Un carré de guillochis à quatre brins (Fig. 19). Ce motif ressemble à un carré de sparterie à boucle (Décor II : 43). Il est surtout attesté sur les mosaïques de la région à l’époque tardive, comme la mosaïque de l’église de Tell Ar. (376 apr. J.-C.) (Abdallah 2018 : 186 fig.13). - Le reste d’un losange couché inscrit dans un rectangle (Fig. 19). - Une composition orthogonale de cercles sécants (Fig. 20), faisant apparaître des quatre-feuilles et déterminant des carrés concaves (les feuilles dessinées par une ligne noire sur fond blanc) (Décor I : pl.237a ). - Une composition orthogonale d’octogones adjacents, déterminant des losanges (Fig. 20). Un exemple identique se trouve sur un tapis de la maison de Ménandre à Antioche (IIe siècle) (Levi 1947 : pl. CIV, a ).Ce décor de la bordure est attesté sur un tapis de la maison de Bateau de Psychés à Antioche (Levi 1947 : pl. CIII, c). Par contre, ici, les cases sont ornées des masques. Le tableau figuré (Fig. 21), le plus complet, représente une scène de trois personnages sur un fond divisé en plusieurs bandes différemment colorées (de gauche à droite : blanc/gris-vert/noir/gris-vert). Sur la bande colorée en blanc Figure 19 Bordure du panneau 2. Motif géométrique (M. al-Kaied). Figure 20 Bordure du panneau 2. Motif géométrique (M. al-Kaied). Mosaïque de Dionysos découverte à Hiérapolis (Manbij) en Syrie du Nord / Kuzey Suriye‘deki Hierapolis‘te (Münbiç) Keşfedilen Dionysos Mozaiği 11 se trouvent au niveau inférieur trois taches colorées en noir qui évoqueraient les ombres. Le personnage principal de la scène est Dionysos identifié par une inscription grecque ΔΙΟΝΥΣΟΣ (écrite à gauche de sa tête en lettres noires) ; le dieu est représenté au centre sous les traits d’un jeune homme, debout et tourné de trois-quarts, à moitié nu (le torse complètement nu et le sexe bien visible), vêtu d’un himation (coloré en rouge/rose/orange) qui cache les jambes en remontant vers l’épaule gauche et serré autour de la main droite. Il a les pieds croisés et il est accoudé ; sa main droite repose sur un coussin (coloré rouge et rose) couvert par une peau d’un animal coloré en gris-vert et blanc et tacheté en noir, drapée sur un pilier (coloré en brun et en noir). De la main gauche levée, Dionysos tient un thyrse (lance garnie de feuilles cordiformes, colorée en noir, sur laquelle est enrubanné un bandeau en tesselles rouges). Le torse s’incline un peu vers la droite. La tête nimbée (bande blanche), est légèrement tournée vers la droite. Le visage est déformé. Deux tresses de longs cheveux noirs tombent sur les épaules ; elles sont serrées par un bandeau sur le front et entremêlées à une couronne de feuilles de lierre. Derrière le dieu, se dresse une Bacchante, identifiée par l’inscription ΒΑΚΧΗ (écrite à gauche de la tête, les trois premières lettres en noir et les deux autres en blanc). Elle est habillée d’une tunique longue, en vert clair et vert foncé, et d’un manteau jaune et jaune moutarde couvrant la partie inférieure du corps et l’épaule gauche. Une écharpe (de la même couleur que le manteau) flotte derrière son corps. L’épaule droite est dénudée, alors que la gauche est couverte par le manteau. Le bras droit est orné par deux bracelets. La main droite est pliée devant la poitrine et semble se diriger vers un objet circulaire tenu de la main gauche. Cet objet est coloré en rouge et bordé par une ligne blanche de laquelle sortent des rubans. Il s’agit vraisemblablement d’un tambourin, l’instrument musical typique des bacchantes. Le personnage semble être en train de danser et jouer du tambourin. La tête est présentée de face, le Figure 21 Panneau 2. Scène de Dionysos avec son thiase (M. al-Kaied). 12 Komait Abdallah - Mouhamad al-Kaied visage est en grande partie déformé ; on distingue les restes de la chevelure de la ménade rendue en noir. À gauche de Dionysos se trouve un satyre, identifié, lui aussi, par une inscription ΣΑΤΥΡΟΣ (écrite à côté de son pied gauche). Il est représenté sous les traits d’un jeune homme musclé, débout de trois-quarts, partiellement nu. Le corps s’incline légèrement vers la gauche avec les pieds écartés, tandis que la tête tourne un peu vers la droite, le regard fixé vers le bas. Une tunique courte tachetée (un tissu fait de la peau d’une panthère coloré en vert clair ou jaune et tacheté en noir) et un tissu en noir couvrent le ventre et le haut des jambes. Ce vêtement est resserré par la main gauche. Un autre tissu noir se voit près de la jambe gauche et à côté du ventre. Il semble être un élément qui serre la tunique autour du ventre. Les épaules sont couvertes aussi par un morceau de la peau de la panthère tacheté. La chevelure est assez longue, rendue en tesselles brunes et noires, le visage est très endommagé ; on distingue des fragments de la partie droite, en l’occurrence l’œil et la bouche. Au-dessous il y a trois taches noires qui évoquent probablement l’ombre du corps. Le satyre tient de la main gauche un pedum (coloré en noir) et de l’autre main la laisse (rouge et rose) d’une panthère (colorée en jaune/blanc et tachetée en noir) qui émerge derrière les pieds de Dionysos. La queue du fauve rendue en noir réapparaît derrière le pied droit de ce dernier. La panthère lève la patte gauche et l’autre patte est posée sur terre (dans une posture de marche vers l’avant) ; la tête de l’animal, presque complètement déformée est tournée vers l’arrière en direction de Dionysos. Il ne subsiste qu’un seul fragment du deuxième tableau (Fig. 22). On y voit la partie inférieure d’un personnage dont les jambes croisées sont couvertes par un himation coloré en rouge comme celui du Dionysos sur le tableau de la précédente scène. Vu la position des jambes, le personnage se tenait debout. À sa gauche se trouve une amphore de vin (colorée en orange et en jaune), surmonté par une inscription grecque ΕΡΟ(Σ). Au-dessous, il y a un masque d’homme imberbe coiffé d’un chapeau reconnu par la visière. Le fond blanc est semé de petites plantes noires. À gauche, on peut difficilement distinguer les restes du vêtement probablement d’un autre personnage assis ; un drap gris plissé de blanc, recouvre les jambes. Figure 22 Panneau 2. Scène des restes des deux personnages avec une amphore et un masque (M. al-Kaied). Mosaïque de Dionysos découverte à Hiérapolis (Manbij) en Syrie du Nord / Kuzey Suriye‘deki Hierapolis‘te (Münbiç) Keşfedilen Dionysos Mozaiği 13 - Programme décoratif Malgré l’état de conservation de cette mosaïque, les tapis présentent assez d’éléments qui aident à comprendre sa composition d’ensemble et la répartition du décor dans les différents espaces. On observe l’utilisation de multiples bordures ; les plus larges servent à encadrer les scènes qui sont délimitées par de petites bordures géométriques (câbles ou tresses). La plupart des bordures sont ornées d’éléments géométriques, sauf l’une d’entre elles qui présente un décor végétal. Le choix de motifs de remplissage est varié avec l’emploi tantôt d’ornements géométriques, tantôt de figures animales et humaines. Ce type de composition, à savoir un tableau figuré (illustrant un thème mythologique dans la majorité des cas), pseudo-emblema central encadré par une riche bordure, soit géométrique ou géométrique et végétale est typique de la mosaïque d’Antioche à l’époque romaine, notamment aux IIe et IIIe siècles16. Par exemple la maison de Ménandre à Antioche (deuxième moitié du IIe siècle) présente plusieurs compositions de ce type : la mosaïque de Narcisse dont le tapis central figuré est entouré par plusieurs bordures larges géométriques et végétales, avec certaines figures humaines et des oiseaux comme éléments de remplissage (Cimok 2000 : 178-179) ; on trouve également le pavement d’une salle regroupant trois tableaux figurés (concours de boisson et jugement de Pâris) (Cimok 2000 : 25) entourés à la fois d’une large bordure géométrique et d’une plus petite en guise de séparation. L’un de ces tableaux est encadré par un décor végétal. Ce mode d’organisation du décor sur la mosaïque caractérise aussi les pavements des maisons de Zeugma (datée de la fin du IIe, début du IIIe siècle), par exemple, les pavements de la pièce 24 de la villa Euphrate, de la pièce 29 de la villa Zosimos et de la salle 33 de la ville Kintos (Önal et al. 2007 : 149, 187, 212). - Etude iconographique 1- Scène de Dionysos avec son thiase La scène qui regroupe Dionysos avec son thiase, est très répandue dans l’art à l’époque romaine et cela jusqu’à l’Antiquité tardive. La diversité provient des membres composant le thiase et du contexte thématique (Augé - Linant de Bellefonds 1986 : 528-529). Dans notre scène, le dieu figuré au milieu du tableau n’est accompagné que par une ménade, un satyre et une panthère. Le thème se concentre sur Dionysos qui apparait serein, le bras gauche accoudé à un pilier. La bacchante joue d’un tambourin, tandis que le satyre tient la laisse de la panthère. Plusieurs mosaïques en Syrie présentent le dieu avec son thiase au sein des thèmes variés, par exemple, la mosaïque de la maison du Thiase Bachique à Antioche (IIIe siècle) (Levi 1947 : 46) (Cimok 2000 : 58-59) qui illustre une composition proche avec le dieu au centre, accompagné par une bacchante, un satyre et une panthère, mais ici, Dionysos verse du vin à la panthère au moyen d’un calice, les deux autres personnages ne font aucune action. Sur un pavement de la maison de la Télétè à Zeugma (fin du IIe, début du IIIe siècle) (Darmon 2018 : 386 fig. 8) on voit une image du Dionysos au centre entre un satyre et une ménade. Par contre ici, la panthère n’est pas représentée, et Dionysos, bras droit levé et passant derrière sa tête, s’appuie sur le satyre (légendé Skyros), sous le regard d’une ménade (légendée Télétè). Sur une autre mosaïque de Zeugma, à la villa de Poséidon (Darmon 2018 : 391 fig.13) une bacchante (identifiée par une inscription, comme c’est le cas sur notre mosaïque) danse en tournoyant, pour accompagner le dieu victorieux sur son char conduit par deux tigres. 16 Ce type du décor est issu du répertoire hellénistique (Balty 2004 : 259). 14 Komait Abdallah - Mouhamad al-Kaied Cette mise en scène du dieu avec son thiase limité à une bacchante, un satyre et une panthère est connue dans l’art romain dès le Ie siècle17, ainsi que dans l’art de l’Antiquité tardive18. Néanmoins, aucun exemple ne comporte un sujet similaire au nôtre, caractérisé surtout par l’attitude du dieu s’appuyant sur un pilier. Cette attitude n’est rencontrée dans la région que sur la mosaïque de la noce de Dionysos et d’Ariane à Zeugma, où le dieu (ici complètement habillé) s’accoude du bras gauche sur un pilier (Önal et al. 2007 : 47). Elle est aussi attestée sur une mosaïque tardive trouvée à Sârrin (Balty 1991 : 21 fig.2), près de Manbij. Cette mosaïque représente une scène de rites dionysiaques comportant plusieurs membres du thiase ; leurs actions liées aux rites sont variées. Ici, Dionysos occupe, comme à Manbij, le centre de la scène ; de sa main gauche il s’appuie à une colonnette, tandis que son bras droit s’élève par-dessus sa tête. De sa main droite levée, le dieu tient un rhyton renversé, d’où s’écoule du vin dans une coupe tenue par un personnage disparu. Ce traitement iconographique ne correspond pas à celui adopté sur notre mosaïque, où la main droite du dieu repose sur un pilier tandis que son autre main tient un thyrse. La bacchante (non légendée) joue également du tambourin, mais l’attitude du satyre est différente, puisque cette dernière joue de la double- flûte. La représentation du Dionysos selon cette typologie est connue dès le Ie siècle dans l’art romain (Schröder 1989 : 131 pl. VIII, c1-c2)19 et puis ultérieurement dans l’art byzantin, notamment en Egypte (Augé - Linant de Bellefonds 1986 : 516-518 n. 12a-13,23-26a, 30). Dionysos est accoudé du bras gauche, dans la majorité des cas, et non pas du droit, comme c’est le cas à Manbij. Dans ces exemples, Dionysos fait ce geste accompagné parfois par un ou plusieurs membres de son thiase, ou encore dans une scène d’amour avec Ariane. J. Balty confirme que l’attitude du dieu (le bras s’accoudant sur une colonnette ou un pilier) est un signe de l’épiphanie et la qualifie de l’attitude de Lykeios (Balty 1991 : 89). Elle s’appuie notamment sur l’étude de S.F. Schröder qui confirme que seuls Apollon et Dionysos sont représentés avec le geste du Lykeios caractérisant l’épiphanie (Schröder 1989 : 42). Cet auteur ajoute que l’épiphanie du dieu est un processus silencieux, ce qui explique le calme du dieu par rapport à l’agitation du thiase (Schröder 1989 : 39). D’après S.F. Schröder, le contraste entre l’attitude du dieu et celle du thiase est également l’une des caractéristiques de l’épiphanie telle qu’elle est décrite dans les Bacchantes (Schröder 1989 : 34-37). En tenant compte de l’explication de S.F. Schröder, la scène de notre mosaïque pourrait faire référence à l’épiphanie du dieu : la manière dont Dionysos a été figuré correspondrait à cela et ce serait aussi le cas pour les membres du thiase. On ne peut pas exclure que la scène elle- même soit inspirée du texte des Bacchantes. Dans celui-ci se trouve un passage sur l’apparition humaine du dieu appelant son thiase et ses femmes pour qu’ils soient à ses côtés, en demandant aux femmes de lever les tambourins : « À cette fin j’ai pris l’apparence mortelle et changé mon aspect divin au corps d’un homme. Allons, vous qui avez délaissé le Tmôlo, rempart de Lydie, ô vous, mon Thiase, ô mes femmes, que je mène avec moi des 17 Une peinture de Pompéi, exposée au musée de Naples, présente Dionysos débout, s’appuyant sur une ménade d’une part et sur un petit satyre d’autre part. À côté de ce dernier se dresse une panthère. Il y a aussi un relief funéraire de Campana, Rome, avec le dieu au centre s’appuyant sur un petit satyre et offrant une grappe de raisins à une panthère assise, alors que vers lui s’avance une bacchante. (Gasparri 1986 : 547 pl. 71,76). 18 On peut citer, à titre d’exemple, une boîte d’ivoire de la collection de Dumbarton Oaks provenant d’Egypte (IVe, Ve siècle) qui présente le dieu abreuvant une panthère entre un satyre et une bacchante (Augé - Linant de Bellefonds 1986 : 532 pl. 94). 19 Il s’est répandu notamment dans l’art de la sculpture au Ie et IIe siècle comme attestent de nombreux statuts du Dionysos produits à cette époque-là (Schröder 1989 : pl. II-XI) Voir aussi (Gasparri 1986 : 435 -336 n. 119a,120a,121a, 122c, 124-127), (Gasparri 1986 : 555 n.201a). Mosaïque de Dionysos découverte à Hiérapolis (Manbij) en Syrie du Nord / Kuzey Suriye‘deki Hierapolis‘te (Münbiç) Keşfedilen Dionysos Mozaiği 15 barbares contrées, qui demeurez et cheminez à mes côtés, levez vos tam- bourins natifs de la Phrygie, inventés par Rhéa, la Grande mère ( Les Bacchantes 50, 55, 60)20. On peut noter que, d’après ce passage, l’épiphanie du dieu est en rapport avec le thiase, notamment les bacchantes qui jouent du tambourin. Le mosaïste, sous la demande du commanditaire, aurait adapté l’iconographie au texte en figurant un satyre avec la panthère pour évoquer le thiase21. On sait que le thème dionysiaque le plus répandu dans la région est celui du dieu abreuvant de vin la panthère (Augé et de Bellefonds 1986 :528). On rencontre aussi les thèmes de son mariage avec Ariane (Augé - Linant de Bellefonds 1986 : 525) et du concours de boisson avec Héraclès (Augé - Linant de Bellefonds 1986 : 524), ou même celui du cortège victorieux22. Le sujet figuré sur la mosaïque de Manbij est unique dans la région. Traitement iconographique - Dionysos Dionysos est figuré sous les traits d’un jeune homme, debout, à moitié nu, selon l’iconographie classique connue à l’époque romaine dans la région et ailleurs (Augé - Linant de Bellefonds 1986 : 528-529). On peut constater que quelques traits évoquent la description mentionnée dans les Bacchantes comme la couleur blanche de la peau, les cheveux longs et la beauté quasi féminine du dieu évoquant celle d’Aphrodite23. Le rendu de sa chevelure mêlée de feuillage et serrée par un bandeau sur le front est attesté sur les mosaïques de Zeugma24 et d’Antioche25. La tête nimbée n’est visible que sur certaines mosaïques de Zeugma (Önal et 2007 : 107, 135) et de Shahba26. La représentation du dieu à moitié nu, vêtu d’un himation couvrant les jambes et une partie du dos et de l’épaule, en laissant le sexe visible, se retrouve sur les mosaïques d’Antioche27, de Zeugma28 de Shahba29 et de Byblos (Chéhab 1958 : IV). Dans tous ces exemples, un pan de l’himation passe autour du bras gauche de Dionysos. La posture accoudée est quelquefois figurée sur les mosaïques de la région, mais le dieu s’appuie plutôt sur l’épaule d’un satyre (Antioche, Byblos) ou sur un canthare (Shahba) dans la scène de Dionysos ivre, ou sur un stibadium comme sur la mosaïque du concours de boisson à Antioche. C’est seulement sur la mosaïque de la maison de Dionysos à Zeugma et celle de Sârrin, déjà citées, que l’on trouve le dieu s’accoudant sur une colonnette. Pourtant, cette attitude du dieu est bien attestée, comme on l’a déjà montré, ailleurs dans l’art romain. Toutefois, dans la majorité des cas, il s’agit du côté 20 Euripide, Tome VI, Les Bacchantes, traduit par H. Grégoire 1979:.244. 21 C’est Dionysos le protagoniste dans la scène de l’épiphanie qui commence par l’arrivée du dieu accompagné par les ménades et les satyres (Bierl 2013 :376). 22 Il y a l’exemple de la mosaïque de la pièce 15 de Poséidon villa à Zeugma déjà cité (Önal et al. 2007 :107). Voir aussi (Augé – Linant de Bellefonds 1986 : 526-528). 23 « Tes longs cheveux bouclés ondoyant sur ta joue ne sont point d’un lutteur mais respirent l’amour. Blanche est ta peau, tu l’as soigneusement, sans doute au frais sans l’exposer au plein soleil, par ta beauté, les faveurs d’Aphrodite. » (Les Bacchante, 455-459) (Euripide, Tome VI, Les Bacchantes, traduit par H. Grégoire: 1979: 260). 24 Voir par exemple la mosaïque de la maison de Telété (Önal et al. 2007 : 135). 25 On peut mentionner la mosaïque de la maison du Thiase bachique (Cimok 2000 : 59). 26 Comme c’est le cas sur les mosaïques de la noce de Dionysos et Ariane (Balty 1995 : pl. XI, 1). 27 On peut citer la mosaïque de la maison de Dionysos Buveur (Cimok 2000 : 51). 28 C’est le cas de la mosaïque de la maison de Télétè déjà mentionnée. 29 Comme par exemple la mosaïque de Dionysos ivre (Nofal 2021 : 95 fig. 26). 16 Komait Abdallah - Mouhamad al-Kaied gauche ; il y a peu d’exemples où le dieu s’accoude du côté droit (Turcan 1966 :136 pl. 4, b.).On peut en citer un rare exemple sur un sarcophage des Thermes de Rome découvert en bordure de la Via Casilina30 où Dionysos s’accoude en outre sur un coussin posé sur un autel, un schéma très proche de celui de notre mosaïque. Quant au détail du thyrse que Dionysos serre dans le bras droit accoudé, reposant partiellement contre son corps et sur son épaule, on ne le trouve que sur la mosaïque de la villa de Poséidon à Zeugma. Sinon le dieu est le plus souvent illustré maintenant le thyrse de la main. Les jambes croisées sont seulement attestées sur une mosaïque d’Antioche, une autre à Zeugma et un pavement de Shahba, mais elles sont fréquentes dans l’Egypte byzantine (Augé - Linant de Bellefonds 1986 : 528). Dans certains exemples, comme sur notre mosaïque, on constate que cette position des jambes est accompagnée du bras posé sur une colonnette ou pilier, comme l’atteste la mosaïque de Zeugma, mais aussi une peinture à Pompéi (62-79 apr. J.-C.) et un autel calcaire du musée de Bonn (fin du IIe siècle) (Schröder 1989 : 145 pl. XIV, M1-M2). Elle est connue également en Égypte à l’époque tardive (Augé - Linant de Bellefonds 1986 : 517-518 n. 24,25,26a,30,32), comme le montre la figure gravée sur une plaque d’os (Schröder 1989 : 146 pl. XIV, M4). Parfois, les pieds du dieu sont chaussés, comme c’est le cas sur notre mosaïque. Bien que l’image de Dionysos ait été traitée dans le style bien connu au Proche- Orient à l’époque romaine, elle se distingue ici par l’attitude caractéristique du bras posé sur le pilier répondant aux jambes croisées, selon un prototype créé dans l’art romain de l’époque impériale. Cette attitude spécifique du dieu se retrouve tardivement en Égypte et rarement en Syrie. En tous cas, aucun exemple connu ne présente le dieu tel qu’il apparaît sur notre mosaïque, ce qui rend cette image exceptionnelle. - Bacchante Ce personnage féminin est bien identifié par l’inscription, ce qui n’est pas courant ; une telle identification nous est connue seulement sur la mosaïque du cortège victorieux de Dionysos de la maison de Poséidon à Zeugma, déjà mentionnée (Darmon 2018: 386). La bacchante paraît tournoyer en dansant et en jouant du tambourin. La représentation du voile flottant derrière elle dans un espace étroit du panneau, indique que l’artiste a voulu insister sur l’action effectuée par le personnage et sur le mouvement correspondant à la danse. Plusieurs scènes dionysiaques présentent une bacchante dans une attitude similaire31. C’est le cas par exemple sur les mosaïques de Sarrîn (Balty 1990 : pl. XVII,2) et de la maison de Poséidon à Zeugma (Darmon 2018 : 437). La même posture se retrouve aussi sur plusieurs sarcophages de l’époque romaine, comme ceux du musée national de Naples (Turcan 1966 : pl. 18) et de Florence (Turcan 1966 : pl. 33a). Dans tous ces exemples, la ménade utilise les deux mains pour jouer sur le tambourin et non une seule comme sur la mosaïque de Manbij. Quant au vêtement composé d’une tunique longue et d’un manteau jaune, il est attesté sur les mosaïques, déjà mentionnées, de la maison de Télétè à Zeugma et de la maison du Thiase à Antioche. En ce qui concerne cette dernière, le manteau couvre la partie inférieure du corps, ainsi que le bras et l’épaule gauche de la 30 On peut citer un rare exemple de ce cas (l’utilisation du bras droit), remontant à l’Antiquité tardive, trouvé en Egypte. Il s’agit d’une plaque d’os (Augé et Linant de Bellefonds 1986 : 518 n.30). 31 Cette attitude correspond à la description dans les bacchantes : « Ô Bacchante, allez, o Bacchante allez ; Rutilant de l’éclat du Tmôlo aux flots d’or, chantez votre Dionysos ; au son des tambourins qui grondent sourdement glorifiant, évohé, évohé, le Dieu bachique avec des cris. » (Les Bacchantes, 150-155-160). (Euripide, Tome VI, Les Bacchantes, traduit par H. Grégoire 1979 : 248).. Mosaïque de Dionysos découverte à Hiérapolis (Manbij) en Syrie du Nord / Kuzey Suriye‘deki Hierapolis‘te (Münbiç) Keşfedilen Dionysos Mozaiği 17 bacchante, comme à Manbij. Même si le visage et la chevelure sont détruits, la figure de bacchante sur notre mosaïque est typique de celles connues dans l’art romain dans la région et ailleurs. - Satyre Le satyre est représenté comme un jeune homme musclé, presque nu, vêtu d’un morceau de la peau d’une panthère couvrant juste le bas du corps avec un pan sur les épaules. Il est caractérisé aussi par la partie supérieure de ses oreilles qui est pointue. Cette typologie est bien attestée sur les mosaïques de la région à l’époque romaine comme celles d’Antioche, de Zeugma en Syrie et de Sepphoris en Palestine. Dans la majorité des cas, il est légendé. Son pedum n’est pas attesté dans tous ces exemples mais on le retrouve sur deux mosaïques à Antioche32, sur une à Zeugma33 et une autre à Sepphoris34. Le satyre écarte les pieds et incline légèrement le corps comme sur deux tapis de la maison de Poséidon à Zeugma35. De la main gauche, il serre son vêtement noué en pagne ; cela est aussi attesté sur la scène du satyre et Antiope de la maison de Poséidon à Zeugma, mentionné au-dessus. Le tissu couvrant les épaules est déjà visible sur une autre scène regroupant le satyre et Antiope (Önal et al. 2007 : 131) dans la même maison, sur une scène de satyre et de bacchante dans le couloir de Persée et d’Andromède (Cimok 2000 : 130) et sur un tapis de la maison du Bateau des Psychés à Antioche, déjà mentionné. Le rôle dans lequel il a été figuré et qui consiste ici à tenir la panthère en laisse, n’est pas courant. En effet, le plus souvent lorsqu’il apparaît à côté du dieu, c’est pour soutenir ce dernier dans son ivresse ; parfois il joue de la flûte ou, parfois, il guide le char tiré par des lions ou des panthères. L’unique exemple, à notre connaissance du satyre tenant en laisse un félin figure sur la mosaïque de la maison du Bateau de Psyché à Antioche où un satyre tient en laisse un lion. Mais, dans cet exemple, ce motif constitue le thème principal, Dionysos n’étant pas directement représenté ; en outre, le satyre et l’animal semblent en train de courir, alors qu’ils sont en mouvement en opposition à Dionysos dont la posture est statique sur notre mosaïque. La typologie du satyre s’inspire du répertoire décoratif romain connu dans la région. Elle est très proche de celles que l’on rencontre à Zeugma et Antioche, bien datées de la fin du IIe- début du IIIe siècle. Par contre, celui de Manbij se distingue par son attitude par rapport à la panthère en présence du dieu. - Panthère La représentation de la panthère accompagnant le thiase dionysiaque est très courante dans l’art à l’époque romaine. Les scènes où la panthère figure aux pieds du dieu sont bien connues. En revanche, dans beaucoup des cas, la panthère est figurée alors qu’elle est abreuvée par le dieu lui-même36. Ici, le traitement est tout à fait différent car la panthère lève la patte gauche en tournant la tête vers le dieu impassible. Ce type iconographique se rencontre à l’époque romaine dès 32 Ce sont les mosaïques dans les maisons du Thiase bachique et du Bateaux des Psychés (Cimok 2000 : 157). 33 Cela se trouve sur un tapis représentant un satyre et Antiope dans la maison de Poséidon. (Önal et al. 2007 : 144). 34 On peut le voir sur la mosaïque de la maison de Dionysos (Talgam - Weiss 2004 : 53 fig. 38). 35 Cela se remarque dans deux scènes identiques de Satyre et Antiopé (Önal et al. 2007 : 131, 144). 36 Voir les notes 19-20. 18 Komait Abdallah - Mouhamad al-Kaied le Ie siècle comme l’atteste un bas-relief du musée archéologique de Naples, représentant le thiase (Dardenay et al. 2016 : 12 fig. 9)37. Il est aussi reproduit sur les monnaies notamment celles des empereurs sévériens (Bruhl 1953 : pl. XV, fig. 1,10). On le retrouve également sur un autel funéraire conservé au musée de Vatican dont un relief figure la rencontre de Dionysos et d’Ariane (Bruhl 1953 : pl. XVI). Il est même connu dans l’Antiquité tardive comme en témoigne la mosaïque d’Halicarnasse (Levi 1947 : 182). Ensuite, la panthère regarde en direction du dieu pour exprimer l’épiphanie de ce dernier, devenu soudain manifeste aux yeux de tous. Le dieu est accoudé, la main posée sur la colonnette. Ce cas particulier ne se rencontre qu’en Egypte comme l’ attestent plusieurs bas-reliefs égyptiens datés des époques romaine et byzantine38. Enfin, la panthère est guidée par un satyre qui la tient en laisse. Cette action n’est jamais figurée sur les scènes dionysiaques au Proche-Orient, sauf le tapis de la maison de Bateau de Psyché à Antioche, déjà mentionné. Si la relation de la panthère de Dionysos n’est pas aussi claire dans les textes anciens qui parlent parfois de son rôle dans la conduite du char bachique, certains auteurs romains la lient spécifiquement aux bacchantes (Pailler 2009 : 107)39. Il est probable aussi que sa proximité avec le dieu s’explique par le goût de la panthère pour le vin40. Sa peau qui sert à vêtir les bacchantes et les satyres signifie le passage de ces personnages à la vie sauvage (Chavot 2013 : 107). Dans l’iconographie romaine, c’est surtout le satyre qui s’habille de la fourrure de l’animal. Sur notre mosaïque, le coussin sur lequel est posée la main du dieu est recouvert de la fourrure tachetée d’une panthère. Le lien existant entre l’animal et le satyre n’est pas seulement évoqué par la fourrure qui revêt l’un et l’autre, mais aussi, de façon explicite, par la laisse qui les relie sur notre mosaïque. Ce lien peut, en outre, indiquer le domptage de la force sauvage, soumise à Dionysos. 2 -Paysage peuplé d’animaux et d’un dieu-fleuve La représentation d’un paysage peuplé de bêtes sauvages en présence du dieu- fleuve ne se rencontre pas ailleurs. Le dieu fleuve personnifié comme un jeune homme, imberbe, le torse nu, est très diffusé à l’époque romaine (Palagia 1981 : 577-578). Nous en possédons plusieurs exemples sur les mosaïques de la région. Ce sont notamment Alpheios et Pyramos représentés sur les mosaïques d’Antioche41, Alpheios sur celle des thermes de Ghalineh près de Lattaquié (Goette 1991 :71-76), et le dieu-fleuve sur celle d’Al-Rastan (Balty 1995 : 67). La manière dont le dieu est illustré sur notre mosaïque avec une chevelure courte, un torse musclé, un pan de son vêtement sur l’épaule, évoque plutôt Alpheios tel qu’il est représenté sur la mosaïque de Ghalineh. La position du corps et la 37 Dardenay et al. 2016 : 12 fig. 9. Cette attitude de la panthère liée à Dionysos est connue dès le IIe siècle av. J.-C. sur les monnaies helléniques émises au règne du roi Agatheleos (185-180 avant notre ère) trouvées en Afghanistan. (Holt 1989 : 2). 38 Nous avons deux exemples attestés sur deux plaques d’os, l’un se trouve dans le musée du Louvre et l’autre dans celui d’Oxford (Augé - Linant de Bellefonds 1986 : 516-517 n. 12a et 23). 39 Sur la relation entre la panthère et les bacchantes d’après les textes antiques voir (Chavot 2013 : 107- 108) et (Otto 1965 : 111). 40 Le rôle indispensable de la panthère dans le thiase est commenté par l’auteur romain du IIes Lucien de Samosate qui cite dans ce sens une phrase de la panthère « Dionysos ne peut rien faire sans moi ». (Pailler 2009 :107). 41 On peut citer la mosaïque de la maison à Portiques qui représente deux bustes d’Alpheios et de Pyramos. (Cimok 2000 : 98, 100). Mosaïque de Dionysos découverte à Hiérapolis (Manbij) en Syrie du Nord / Kuzey Suriye‘deki Hierapolis‘te (Münbiç) Keşfedilen Dionysos Mozaiği 19 tête tournée légèrement vers sa gauche indiquent qu’il serait assis. Le pan de tissu visible sur l’épaule peut suggérer que les jambes auraient été couvertes par un manteau, ce qui est le cas également à Ghalineh. Ce dernier exemple possède un autre un point commun avec le dieu-fleuve sur notre pavement ; il s’agit, en l’occurrence, de la présence de la corne d’abondance. Cette dernière se caractérise par sa couleur jaune et le détail des jets d’eau courbes, coloré en gris- bleu. L’attitude du dieu, un roseau dans la main droite, une corne d’abondance maintenue par son bras gauche est identique à celle du dieu-fleuve des thermes de Ghalineh (Balty 1977: 14). Si l’image du dieu est typique des divinités fluviales à l’époque romaine, elle se distingue par son association au thème du paysage peuplés d’animaux. Bien qu’une grande partie du panneau soit détruite, on peut constater que dans la partie encore conservée, les bêtes (lion, singe ? serpent, griffon ?) distribuées aléatoirement dans l’espace font référence à un paysage sauvage. Même si la scène n’est pas complète, on peut faire un constat que le choix de ces bêtes n’est probablement pas dû au hasard, étant donné qu’elles sont accompagnées par le dieu-fleuve. Notons que l’une des bordures qui encadrent cette scène est ornée d’oiseaux et de masques appartenant à l’iconographie dionysiaque. Est-il possible alors que ce thème soit lié au dieu ? et si c’est le cas, que signifie-t-il ? On sait que Dionysos est le maître de la nature sauvage. Cette idée est mentionnée à maintes reprises dans les Bacchantes. Donc, la représentation d’une telle scène peuplée d’animaux sauvages peut être mis en rapport avec ce rôle du dieu. La présence du dieu-fleuve qui symbolise la fécondité et la fertilité peut être expliquée par le fait que Dionysos est également le dieu de la fertilité. Ainsi, le choix iconographique pour cette scène rappellerait deux caractéristiques du dieu : en l’occurrence, son lien avec la nature sauvage et avec la fécondité. Or, le paysage peuplé de bêtes est cité dans les Bacchantes comme le lieu propice à la pratique des rites dionysiaques (bacchanales). Dans ce texte, plusieurs endroits sont cités comme Nysa et la zone à côté de l’Olympe. Dans ces deux lieux, on note toujours la présence des fauves ou des bêtes sauvages42. La présence de ces animaux est un élément commun lorsqu’on parle des lieux de bacchanales. Dans le même passage, on mentionne aussi un fleuve traversé par le thiase avant son arrive en Lydie. On décrit la fécondité de la région grâce aux eaux abondantes de ce cours d’eau43. Ainsi, on peut se demander si cette image n’évoquerait pas certaines caractéristiques de lieux propres à la bacchanale, telle qu’elle est décrite dans le texte des Bacchantes. 3- Scène des restes des deux personnages avec une amphore et un masque Le tapis est endommagé, ce qui rend la lecture de l’image difficile. Néanmoins, les éléments iconographiques qui subsistent peuvent nous aider à comprendre ce tableau. L’inscription identifiant Eros ainsi que l’amphore et le masque constituent les élément-clés pour formuler une hypothèse. Dans certaines scènes de mariage relatives au culte dionysiaque, soit le personnage d’Eros accompagne Dionysos 42 « - Où conduis-tu ton thiase, Dionysos Thyrsophore ? Est-ce à Nysa, berceau des fauves, est-ce aux sommets coryciens? Ou peut-être dans la retraite de l’Olympe aux bois touffus, où la cithare d’Orphée, jadis, par ses accents, rassemblait les arbres et les bêtes sauvages. » (Les Bacchantes 255- 265). (Euripide, Tome VI, Les Bacchantes, traduit par H. Grégoire 1979 : 264). 43 « Heureux Piérie, Evhios te vénères. Il viendra diriger tes chœurs, tes bacchanales ; à la tête des Ménades dont se déroule le cortège, il franchira la rapide Axios, et puis le Lydias, père de l’abondance, dispensateur de la prospérité, qui, dit-on, des eaux les plus belles, abreuve le pays des superbes cavales ». (Les Bacchantes 265-275) (Euripide, Tome VI, Les Bacchantes, traduit par H. Grégoire 1979 : 265). 20 Komait Abdallah - Mouhamad al-Kaied et Ariane lors de leurs noces44, soit Eros constitue un couple avec Télétè ou avec Psyché (Darmon 2011 : 86 fig. 4, 94 fig. 12). Le cratère est souvent présent dans les scènes nuptiales, notamment celle de Dionysos et d’Ariane45. Il évoque le vin (Pouyado - Jaquet-Rimassa 2003 : 55) qui fait référence à l’union mystique du couple (Balty 1990 : 89). Il serait remplacé dans notre mosaïque par l’amphore qui a la même signification. Une amphore de type identique est déjà visible sur la mosaïque de Dionysos ivre à Shahba (Nofal 2021 : 95 fig. 26). La présence d’un masque est assez rare. Les masques sont couramment visibles dans les bordures mais pas dans la scène elle-même46. Ici, il s’agit d’un masque de jeune homme imberbe dont la présence n’est pas surprenante car il peut être lié au caractère théâtral de Dionysos47. Est-il-possible que le mot Eros légende le masque ? Sa position est plus proche des jambes du personnage. Dans la scène précédente, nous avons vu que le satyre était légendé par une inscription inscrite à côté de ses jambes. Il est donc plausible que le mosaïste ait fait la même chose ici. Si c’était le cas, nous aurions une scène d’Eros associé à un personnage vraisemblablement assis à son côté et entre les deux il y a l’amphore et le masque. Eros est souvent illustré en couple avec une jeune fille comme l’atteste une mosaïque d’une collection privée à New York, provenant probablement de Syrie (IIIe-IVe siècle), représentant les noces d’Eros et de Télétè, légendées par des inscriptions (Dunbabin 2008 : 215 fig. 16). Toutefois, sur la mosaïque de New york, Télétè n’est pas assise, elle est amenée par les trois grâces alors qu’Eros est couronné par Aphrodite. Les deux autres exemples proviennent de Zeugma, où la scène représente seulement Eros assis à côté de Télétè sur une mosaïque découverte hors contexte architectural (Darmon 2018 : 419 fig. 12), sur un pavement de la maison de Poséidon, Eros est accompagné d’une figure féminine (Darmon 2018 : 394 fig.15a) interprétée comme Psyché par J.- P. Darmon (Darmon 2011 : 93) et comme Télétè par K. Dunbabin (Dunbabin 2008: 217). La présence du cratère dans cette scène est interprétée par K. Dunbabin comme un élément dionysiaque qui correspond à l’atmosphère festive des noces (Dunbabin 2008: 219). J.-P. Darmon pense que le cratère renvoie à Dionysos et que les noces doivent faire allusion à celles du dieu et d’Ariane qui ne symbolisent pas seulement l’union entre l’homme et la femme, mais aussi l’union entre l’âme et le divin (Hiéros Gamos) (Darmon 2011: 93)48. Donc pour lui, ces noces représentent l’initiation dionysiaque 44 Comme par exemple la mosaïque de la maison de Dionysos et Ariane à Zeugma (Abadie-Reynal 2002 : 748-749 fig. 4) et celle de la noce de Dionysos et d’Ariane à Shahba (Balty 1977 : 50-56 fig. 20). Eros accompagne souvent Ariane et Dionysos dans d’autres scènes aussi que le mariage. Voir (Eraslan 2015 : 55-61). Selon K. Dunbabin, la noce de Dionysos et d’Ariane peut être vue comme le prototype de l’amour humain et du mariage et la référence directe de l’initiation. C’est le Hieros gamos qui présente l’union du dieu à ses mystères et l’apothéose d’Ariane (Dunbabin 2008 : .217). L’association de la scène du mariage au culte du dieu est bien attestée sur un panneau de la maison de Dionysos à Sepphoris, où parmi les figures dionysiaques, on trouve une intitulée en grec « Hymenaios ». (Talgam - Weiss 2004 : 61-61 fig. 46.). 45 Le cratère est plus souvent visible sur les scènes de la noce d’Ariane et Dionysos. Un seul exemple est connu dans la région d’un cratère dans les noces d’Eros et de Psyché (Darmon 2011 : 86 fig. 4). 46 La majorité d’exemples des masques visibles sur les mosaïques de la région apparaissent dans les bordures comme celle de la mosaïque du triclinum de la maison des Bateaux des Psychés à Antioche (Cimok 2000: 156-157) et de Sepphoris (Talgam - Weiss 2004: pl. C, VII, b-f). C’est juste sur la mosaïque de Ménandre et Glycira de la maison de Ménandre à Antioche que se trouve deux masques de théâtre illustrés dans la scène. (Cimok 2000: 180-181). Nous avons aussi les masques de théâtres utilisés comme éléments de remplissage sur un tapis datant du IVe siècle découvert à Daphnée (Cimok 2000: 239). 47 Les masques sont des attributs de Dionysos, dieu du théâtre (Bierl 2013: 366). 48 L’auteur se réfère à un passage de Timothée de Milet (fragment 5, tiré de Cyclope) cité par Athénée (XI, 465, c) sur le symbole du vin « du sang du Bacchus avec les larmes fraîchement versées des Nymphes ». Mosaïque de Dionysos découverte à Hiérapolis (Manbij) en Syrie du Nord / Kuzey Suriye‘deki Hierapolis‘te (Münbiç) Keşfedilen Dionysos Mozaiği 21 (Darmon 2011: 89-90)49. Sur notre panneau, figurent deux personnages dont l’un est vraisemblablement identifié comme Eros et l’autre, très endommagé, assis à ses côtés doit être une figure féminine. Il n’est pas exclu que notre scène fasse allusion à l’amour ou au mariage50. - Rendu On remarque que l’on utilise une gamme de plusieurs couleurs pour rendre les corps des oiseaux, sans délimiter le contour du corps. Chaque oiseau est traité selon une palette de couleurs variées, c’est probablement pour tenter de le caractériser et donner une impression plus réaliste. Pour le traitement des bêtes, le mosaïste a fait le choix de colorer les corps des animaux par un dégradé de tons uniformes, mélangé parfois avec d’autres couleurs. Dans certains cas, on ajoute une touche de blanc sur les pattes et le ventre. Même si ces représentations sont moins réalistes que celles des oiseaux, elles sont pourtant bien caractérisées : par exemple, la panthère dont le corps est tacheté en noir. Pour les figures humaines, la qualité n’est pas la même dans toutes les scènes. Dans celle de Dionysos et son thiase, les personnages sont soigneusement illustrés, on trouve du blanc et du rose clair, en léger dégradé pour Dionysos et la bacchante. Pour le satyre, il s’agit de teintes plus foncées de rose et de rouge, appliquées de façon à montrer la musculature. Les visages étant détruits dans cette scène, on ne peut étudier leur rendu. Les vêtements des personnages sont représentés en deux couleurs contrastées utilisées pour en indiquer les plis. Dans la scène qui représente un paysage, le corps du dieu fleuve se caractérise par sa musculature et des teintes majoritairement de rouge et de rose, parfois mélangées à d’autres couleurs. En ce qui concerne le visage du personnage, la bouche, le nez et les sourcils sont rendus en brun foncé. Le regard est oblique et l’iris est coloré en noir alors que le reste de l’œil est blanc. Le corps des enfants chasseurs est coloré soit en un dégradé de jaune avec un trait en blanc et en rose, soit dans un dégradé de rose avec un trait en jaune- moutarde. Du visage, on distingue seulement les yeux dont il ne reste que les iris noirs. Pour les masques, on note que les contours sont dessinés par des traits foncés qui représentent la bouche, le nez, les sourcils, ainsi que les yeux. Pour chaque masque, il a été fait usage d’une gamme de couleurs variées : blanc et rose avec un trait en jaune pour les femmes et le jeune homme, gris et blanc avec un trait jaune et rose pour le vieillard. On peut observer le rendu des jeux d’ombre et de lumière dans l’application des couleurs avec le choix d’une couleur claire pour le côté le plus visible du visage. Les chevelures sont rendues en rouge, en brun et en noir. Dans tous ces masques, les regards sont obliques. En général, on relève l’utilisation d’une gamme de trois couleurs (rouge, rose, blanc) avec un trait en jaune dans le rendu des figures humaines notamment pour montrer les détails du corps, mais aussi dans l’application de la technique de clair-obscur. Les visages reflètent une expression de léger étonnement voire de tristesse, confirmée par les regards obliques. La somme de ces détails rappelle le style sévérien de l’art romain, tel qu’on le connaît sur les mosaïques de la région (par exemple à Antioche, Zeugma, Homs et, Mass’oudih) (Balty 1981 : 49 Pour plus de détails sur les différentes interprétations sur ces scènes voir (Balty 2021 : 82-87). 50 Sur la relation entre les scènes de l’amour et du mariage avec le culte dionysiaque sur les mosaïques romaine et byzantines en Syrie voir (Balty 2021 : 80-98). 22 Komait Abdallah - Mouhamad al-Kaied 369-380)51. - Datation Cette mosaïque présente plusieurs points communs avec certains pavements d’Antioche datés de la deuxième moitié du IIe et du début du IIIe siècle, mais aussi certains pavements de Zeugma, datés entre la fin du IIe et le début du IIIe siècle. Il s’agit de la composition (le pseudo-emblema à sujet mythologique et bordures multiples), des motifs de bordures (géométriques et à rinceaux d’acanthe), des éléments de remplissage (motifs géométriques, oiseaux, masques) et du style des figures humaines (technique de clair-obscur, regard oblique, expression de tristesse). On peut y ajouter une ressemblance évidente dans l’application de la polychromie sur certains motifs géométriques. Tout cela nous invite à penser que cette mosaïque a été réalisée par un atelier expérimenté, qui a puisé dans le répertoire décoratif bien connu à Antioche et à Zeugma entre le IIe et le début du IIIe siècle. Vu la position géographique de Manbij située entre Zeugma et Antioche, il ne serait pas étonnant que cet atelier ait été originaire de l’une de ces deux villes. Donc, l’hypothèse la plus plausible est que notre mosaïque soit contemporaine de celles d’Antioche et de Zeugma et, par conséquent soit datée entre le milieu du IIe et le début du IIIe siècle. Cette proposition se trouve renforcée par ce que l’on sait de la diffusion du culte et de l’iconographie dionysiaque à cette époque-là, notamment en raison de la politique de la dynastie sévérienne dont Dionysos (liber pater) et Héraclès furent les dieux protecteurs (Bruhl 1953: 191)52. - Conclusion D’une manière générale, on peut dire que la découverte de cette mosaïque de Manbij est très intéressante car elle est l’une des rares trouvailles archéologiques qui remontent à l’époque romaine dans la ville. Pourtant, cette dernière devenue polis dès le règne d’Auguste était très célèbre dans l’Antiquité. Grâce au temple de la déesse Atargatis, Manjib était devenue un centre pèlerinage pour toute la Syrie (Goossens 1943: 108-116). La présence de l’iconographie dionysiaque n’est pas surprenante car ce dieu très populaire en Syrie, devait être assimilé aux divinités locales (Bruhl 1953 : 256-260). Cette popularité s’est poursuivie. En raison de sa propagation officielle, le culte dionysiaque a atteint son apogée lors du règne de la dynastie sévérienne (Bruhl 1953: 185-193). C’est surtout à cette époque que l’on trouve la diffusion de l’image de Dionysos et des épisodes liés à son culte dans les maisons de Syrie du Nord comme l’attestent de nombreuses mosaïques à Antioche et Zeugma. Bien qu’elle soit endommagée et incomplète, la mosaïque de Manbij présente un exemple exceptionnel de l’iconographie dionysiaque, sans doute inspiré du répertoire décoratif hellénistique cher à la région, mais aussi plus spécifiquement du texte de la tragédie les Bacchantes. Quel que soit le contexte architectural de notre mosaïque, profane ou religieux, et quelle que soit la portée symbolique de ces images (initiation dionysiaque (Darmon 2018 : 116), ou mises en scène inspirées d’œuvres théâtrales (Dunbabin 2008 : 207), il est évident qu’on ne peut manquer d’évoquer, à la découverte de ce pavement à Manjib-Hiérapolis, le statut religieux spécifique de cette cité que l’on appelait aussi « la ville sacrée ». Dionysos était bien présent dans le fameux 51 Voir aussi (Levi 1947 : 545-546; Abdallah 2011 : 12). On peut citer à titre d’exemple pour Zeugma a mosaïque de Satyre et d’Antiope de la villa Poséidon et celle du dieu –fleuve dans la ville Euphrate qui présentent un traitement proche du corps humain (Önal et al. 2007 : 131). 52 Nous voudrons présenter notre gratitude à Mme. Janine Balty pour avoir accepté relire cette étude et pour avoir donné des notes intéressantes. Mosaïque de Dionysos découverte à Hiérapolis (Manbij) en Syrie du Nord / Kuzey Suriye‘deki Hierapolis‘te (Münbiç) Keşfedilen Dionysos Mozaiği 23 temple d’Atargatis comme en témoigne Lucien de Samosate dans son ouvrage « La déesse syrienne »53. 53 « J’aime mieux, quant à moi, ce que racontent, ceux qui à maints égards s’accordent avec les opinions des grecs. Ils croient que la déesse est Héra, et que l’édifice est l’œuvre de Dionysos, fils de Sémélé. Dionysos, en effet, vint en Syrie, lors de ce voyage qu’il fit en Ethiopie. On voit dans le sanctuaire de nombreux signes indiquant que Dionysos en est le fondateur, entre autres des étoffes barbares, de pierreries de l’inde et des défenses d’éléphants que Dionysos rapporta de chez les Ethiopiens. Deux énormes phalles se dressent en outre dans les propylées, et sur eux cette inscription est gravée « Ces phalles, « c’est moi Dionysos qui les a consacrés à Héra, ma belle « mère ». De telles preuves également me suffisent. Je parlerais cependant d’un autre objet qui se voit dans le temple, rappor- tant au culte de Dionysos. Les grecs, en l’honneur de Dionysos, érigent des phalles, sur lesquels ils disposent en outre ceci : de petits hommes en bois qui ont des membres énormes. Ils les appellent des névrospastes. On voit encore ce symbole dans le sanctuaire : à droite du temple, se trouve assis un petit homme en airain, qui a un membre énorme ». (Lucien de Samosate, la déesse syrienne, XVI, traduction par M. Meunier, 68-71, Paris, 1980). Bibliography – Kaynaklar Abadie-Reynal 2002 C. Abadie-Reynal, “Les maisons à décors mosaïqués de Zeugma”, Comptes rendus des séances de l‘Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 146ᵉ année, 2, 743-771. Abdallah 2011 K. Abdallah, « Mosaïque d’Héraclès découverte à Homs (Syrie centrale) », M. Şahin (ed.), 11th International Colloquium on Ancient Mosaics, Bursa, 1-13. Abdallah 2015 K. 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